L'emploi de la lumière pour guider les navigateurs pendant la nuit remonte à la plus haute antiquité. On citait comme une des sept merveilles du monde le fanal élevé sur la petite île de Pharos, voisine du port d'Alexandrie, sous le règne de Ptolémée Philadelphe.
De là vient le nom donné depuis à tous les appareils semblables.
Les anciens phares, dits phares de réflexion, se composaient d'un miroir sphérique ou parabolique en métal poli, au foyer duquel était placée une forte lampe. Ces phares sont aujourd'hui remplacés presque partout par des appareils à verres lenticulaires ou phares à réfraction, beaucoup plus puissants et moins dispendieux, inventés au commencement de ce siècle par Fresnel, le créateur de l'optique moderne.
Les rayons lumineux partis d'un point situé au foyer d'une lentille convergente forment, après avoir traversé la lentille, un faisceau de lumière parallèle à l'axe principal.
Mais il faut pour cela que le diamètre de la lentille soit suffisamment petit par rapport aux rayons de courbure de ses deux faces ou, en d'autres termes, que l'ouverture de la lentille ne soit pas trop grande. Dans le cas contraire, les rayons réfractés formeraient, en grande partie, un faisceau divergent dont l'intensité diminuerait rapidement avec la distance. Or, c'est précisément là ce qu'il faut éviter S dans la construction d'un phare, où il est cependant nécessaire, pour obtenir un éclairage intense, d'employer des lentilles d'une grande étendue superficielle.
Cette difficulté a été heureusement tournée par Fresnel, au moyen des lentilles dites annulaires ou à échelons, qui, tout en présentant une large surface, réfractent néanmoins dans des directions sensiblement parallèles tous les rayons émis par une source de lumière placée à leur foyer.
La figure (287) représente la section d'une de ces lentilles. A est une lentille plan-convexe dont l'ouverture est d'environ 15 degrés, et qui est entourée d'une série d'anneaux B, C, D, dont les surfaces convexes sont calculées de façon que le foyer de chaque anneau coïncide avec le foyer de la lentille centrale.
Il résulte de cette disposition que si une lumière intense est placée au foyer d'une telle lentille, tous les rayons lumineux formeront, après l'avoir traversée, un large faisceau parallèle qui, par un temps clair, pourra pénétrer à de très-grandes distances, son intensité ne s'affaiblissant que par son passage à travers l'atmosphère. C'est sur ce principe que repose la construction des phares modernes ou à réfraction. Dans les phares de premier ordre, qui peuvent éclairer la côte jusqu'à 15 ou 20 lieues en mer.
La source de lumière est une lampe Carcel à quatre ou cinq mèches concentriques*.
Autour de la flamme sont disposés, à une égale distance et à la même hauteur, plusieurs lentilles annulaires (fig. 288), de forme identique, d'où partent autant de faisceaux de lumière parallèles. Pour que ces divers faisceaux puissent éclairer succesivement tous les points de l'horizon, un mécanisme d'horlogerie fait tourner le système de lentilles autour de son axe vertical où se trouve la flamme.
Un observateur placé à une grande distance aperçoit le feu chaque fois qu'un faisceau lumineux passe devant lui; puis il cesse de le voir jusqu'au moment où la lentille suivante lui ramène un nouveau jet de lumière. Chaque apparition du feu se trouve ainsi suivie d'une éclipse dont la durée dépend de la vitesse de rotation de l'appareil et du nombre de ses lentilles.
Telle est la disposition des phares à éclipses ou à feux tournants. Quand plusieurs de ces phares sont situés à proximité sur une même côte, on fait varier pour chacun d'eux la durée et la succession de leurs éclipses, ce qui permet aux navigateurs de les distinguer l'un de l'autre, et de reconnaître ainsi le point de la côte qui est en vue.
Les phares qui n'ont pas besoin d'une très-longue portée, par exemple, ceux qui servent à signaler l'entrée d'un port ou l'embouchure d'un fleuve, sont généralement à feux fixes. Leur lampe, au lieu d'être entourée de plusieurs lentilles, est alors placée dans l'axe d'un cylindre lenticulaire, d'où s'échappe en divergeant une large nappe de lumière, qui éclaire à la fois tous les points de l'horizon.
* Quelques phares, entre autres celui du cap de la Fève, près du Havre, sont maintenant éclairés par la lumière électrique, obtenue au moyen de la machine magnéto-électrique de Nollet. Cette machine n'est autre chose qu'un assemblage de plusieurs appareils de Clarke disposés circulairement sur un bâti de fonte autour d'un arbre horizontal en fer, lequel porte de nombreuses bobines dont l'axe est occupé par un cylindre creux en fer doux. Ces bobines communiquent toutes entre elles, et sont mises en mouvement par une machine à vapeur, qui les fait passer successivement devant les pôles de puissants faisceaux magnétiques en fer à cheval fixés au pourtour de l'appareil sur plusieurs rangées transversales. De là résulte une succession rapide de courants induits, qui, convenable. ment recueillis et dirigés, donnent une lumière des plus vives.